"On ne naît pas spectateur, on le devient peu à peu" - Joëlle Rouland
(Théâtre des Amandiers - Nanterre / mardi 24 septembre 2019)
« Cinq drôles d’épouvantails, grimés, masqués, aux voix déformées, avec de la paille qui dépasse, constatent la disparition de l’humain et essaient de se ressaisir et d’inventer ensemble un futur possible. » Philippe Quesne.
Créée au théâtre Kammerspiele de Münich cette fable néo-futuriste fait entendre, avec une forme de tendresse plus qu’avec violence, l’état d’un monde dystopique où les agriculteurs sont accablés par la surproductivité et l’industrialisation de leur métier. Philippe Quesne pour sa dernière création, a réuni trois acteurs de la troupe permanente munichoise et deux interprètes. Jouant de la musique, inventant des slogans et se laissant aller parfois à la philosophie, citant entre autres Rilke, Emanuele Coccia ou Marielle Macé, ces épouvantails, masqués, les voix déformées, sont avant tout de doux rêveurs, poètes et militants qui aspirent à un monde meilleur en se livrant à une pantomime parfaitement réussie. Ils inventent une sorte de radio alternative où s’expriment leur enchantement bucolique comme leurs colères et leurs déprimes par l’intermédiaire de chansons, de compositions musicales, entre autres interviews d’insectes et discours militants.
La pièce plonge alors le spectateur dans un univers fermier avec : des bottes de paille, le chant du coq, le pépiement des oiseaux, des bruits de montagnes et de ruisseaux, des fourches et autres outils agricoles. Aux frontières du paysan et de l’épouvantail, les cinq personnages de Farm Fatale apparaissent ici sur un corps de ferme réduit à sa plus simple expression, un espace étroit et vide, bâché comme en travaux mais sur la page immaculée du plateau, tout est possible !
(La Scala - Paris / 27 novembre 2019)
J’ai des doutes est une pièce mise scène par l’illustre acteur François Morel, nommé aux Molière en 2019. Les textes présents dans cette pièce ont été écris par Raymond Devos, François Morel lui emprunte le nom de l’un de ses sketches pour y donner le nom à sa nouvelle création. A travers un maniement époustouflant des mots, on parvient à s’interroger sur le sens de l’existence, l’absurdité de la vie quotidienne que l’on retrouve dans chacun des sketches créé avec brio. On retrouve également de la musique avec le pianiste Antoine Sahler doté de doigts de fée pour accompagner ce moment hors du temps. L’acteur et le pianiste s’accompagnent d’une marionnette pour fasciner encore un peu plus le spectateur avec un mélange d’arts différents mais tout aussi enchanteurs pour donner lieu a une poésie pleine de délicatesse. La fin de la pièce est, elle aussi à la hauteur de ce spectacle, le spectateur fait alors partie de la troupe partageant ainsi, la chanson pleine d’allégresse qui servira de clôture. Ce spectacle est un tant un régal pour les oreilles que pour les yeux.
(Théâtre des amandiers - Nanterre / Mardi 28 Janvier)
Joël Pommerat est un auteur et metteur en scène français qui a créé la pièce de théâtre Contes et légendes au théâtre des Amandiers mettant en scène un monde futuriste dans lequel humains et robots sociaux cohabiteraient. Contes et légendes donne à éprouver les ambiguïtés de différents modes d’existence et questionne des vérités en observant sous la forme de petites saynètes une série possible d’interactions sociales, familiales et affectives entre adolescents, adultes et robots androïdes. Ainsi cette pièce nous donne à éprouver de nouveaux troubles à travers des questions qui se posent sur le genre des robots qui changent de sexe sans s’en préoccuper et de femmes qui jouent des rôles d’hommes. Il s’y exprime également une peur du contrôle des femmes dans ce monde futuriste auquel nous faisons face dans un un discours qui se révèle très rude pour les garçons « sois un homme, ne pleure pas » etc. Tout ceci amène dans la pièce à formater un groupe de garçons aguerris pour la « résistance ».
Avant la création de ce spectacle, Pommerat savait seulement qu’il voulait parler de l’enfance mais suite à des contraintes liées à l’âge des comédiennes, il s’est vu obligé de basculer sur l’adolescence puis suite à des improvisation avec les comédiens, il a décidé d’intégrer des robots, donnant naissance à cet atypique Contes et légendes .
Nous évoquons différents problèmes dans cette pièce comme l’égalité homme/femme qui a pris le pas sur tout avec un retournement de situation dans laquelle les femmes ont pris le contrôle de la société. Nous sommes également face à un problème majeur à propos de l’éducation et l’autorité qui ont complétement disparu avec des adolescents qui ne respectent plus la hiérarchie des adultes/parents. Puis nous sommes face à un monde peuplé de nouvelles technologies en particulier les robots ce qui nous questionne sur les bienfaits ou au contraire les aspects négatifs de cette fusion entre l’humain et la machine qui nous questionnent sur les limites de notre « humanité ».
Le décor de ce spectacle est assez simple, composé de meubles amovibles tels que deux canapés, une table, des chaises mis sur scène ou au contraire retirés du plateau très rapidement dans une grande virtuosité mais surtout dans le noir, rendant la tâche encore plus complexe.
Nous avons dans ce spectacle une majorité de rôles de garçons adolescents mais qui sont joués par de jeunes femmes adultes.
Nous pouvons également constater l’importance dans la pièce des jeux de lumière qui peuvent modifier l’intensité dramatique d’une scène, notamment par exemple lorsque vers la fin de ce spectacle, un des robots domestiques se fait « éteindre » à cause de son disfonctionnement, nous faisant passer par un seul changement d’intensité lumineuse d’une pièce familiale, le salon, symbole de la sécurité à une salle vide peu éclairée et lugubre.
(Thèatre Alexandre Dumas - Saint Germain en Laye / mardi 17 décembre)
Nous avons patienté quelques instants dans le hall du théâtre, juste le temps de comprendre, en vue du très grand nombre d’enfants, que nous nous apprêtions à voir un spectacle qui, leur étant adressé et se nommant ainsi, serait d’une grande douceur.
Tout le monde s’est assis, les lumières se sont éteintes et peu de temps après, le spectacle a débuté. Sur scène il n’y avait rien d’autre qu’un grand écran et une sorte de machine dont nous ne connaissions pas l’usage ; une mélodie calme et agréable a lentement rempli la salle avant qu’une dame ne s’approche de la machine, révélant dans les premiers tracés de ses dessins qu’il s’agissait d’une machine dont le tamis lumineux, couvert et découvert de sable au gré des dessins subtils de l’artiste, était projeté sur le grand écran. C’est ainsi que pendant près d’une heure heure et demi, Lorène Bihorel a émerveillé les petits comme les grands avec des tableaux oniriques, parfois des histoires — dont le timing parfait, toujours raccord avec la bande sonore était impressionnant — dans le sable.